Cerise à l’eau de vie au Théâtre de la Vie
D’Aurélie Vauthrin-Ledent, avec Laetitia
Ajanohun, Alisé Djonga, Leila Putcuyps, Philippe Rasse, Isabelle
Renzetti, Jeff Rossion, Denyse Schwab, Alexis Van Stratum, Félix
Verhaverbeke
Du 18 au 29 novembre 2014 à 20h au Théâtre de la Vie
Dans la pièce d’Aurélie Vauthrin-Ledent,
le spectateur découvre l’histoire de Cerise. Alors que les massacres de
la guerre ont fait d’elle une orpheline, Cerise née Esperanza est
adoptée par le chef de brigade en mission dans son village. A son
arrivée en France, dans un petit village du Sud-Ouest où les préjugés et
la peur font rage, où il est question de la réputation et où la justice
peut être absurde, Cerise découvre qu’il est difficile de vivre dans ce
monde où tout est plus petit et où les gens médisent derrière leur
fenêtre. C’est un récit riche en émotions que la pièce nous conte, à
doubles mots, une histoire faite d’échos et de résonnances : la vision
de la Cerise qui avait neuf ans et de celle qu’elle deviendra. Aurélie Vauthrin-Ledent livre, ici, une recherche scénographique époustouflante
et pleine de beauté. On est littéralement plongé dans le monde de
l’enfant et de ce qu’elle apprend à dire, enfin. C’est tout le
traumatisme de la guerre et du déracinement qui est abordé dans ce texte
et l’auteure n’en est pas à son premier essai : Cerise à l’eau de vie est sa seconde mise en scène, après l’adaptation de La rafle du Vel d’Hiv de Maurice Rajsfus, en 2006, dans laquelle elle traitait déjà des thèmes de la souffrance psychologique et de la survivance.
Donnée au Théâtre de la Vie à Saint Josse, Cerise à l’eau de vie
est un rendez-vous à inscrire dans votre agenda. C’est un voyage
dramatique mais jamais plombant, jamais trop pathétique que l’on fait
aux côtés de la petite Cerise, à travers ses mots, ses jeux, les dessins
qu’elle trace sur le sol. La mise en scène inclut, aussi– et c’est tout
l’avantage inhérent au Théâtre de la Vie – une interaction avec le
public qui s’étend jusque sur le plateau. Ce détail vient ajouter à la
tension psychologique pouvant émaner du récit et conscientise juste ce
qu’il faut, sans pathos inutile, sur le rapport qu’on entretient avec
l’autre.
Cerise à l’eau de vie aux Editions L’Harmattan (disponible au Théâtre de la Vie).
Justine Guillard, Suricate Magazine
19 novembre 2014
« Cerise à l’eau-de-vie ». Ne vous y trompez pas, malgré son titre
convivial et festif, la pièce de la jeune Aurélie Vauthrin-Ledent trempe
dans une histoire corsée, amère : « En Afrique, une brigade usée par la
guerre sombre dans le massacre d’un village. Une petite fille âgée de 9
ans est retrouvée saine et sauve par le chef de la brigade qui décide
de l’adopter. Arrivés en France, l’homme et l’enfant s’installent dans
un village du Sud-Ouest. Mais tout les sépare. Les villageois hostiles à
leur venue font tout pour diviser le fragile duo naissant. Isolée,
Cerise sera persécutée et agressée. Dans son coma, elle raisonne,
chemine, questionne les gens qu’elle aime, mais aussi la nécessité de
vivre ».
D’où vient l’inspiration de ce texte, votre premier pour le théâtre ?
Aurélie Vauthrin-Ledent :
C’est inspiré de plusieurs faits divers et historiques mais qui sont
déformés, malaxés. J’ai dans ma famille des gens qui ont été militaires.
Alors que j’avais fini l’écriture de la pièce, j’ai entendu parler du
général québécois Dallaire au Rwanda, qui avait voulu adopter une petite
fille mais ne l’avait pas fait finalement. La réalité rattrape la
fiction. Il y a aussi dans mon entourage des gens qui ont vécu le viol.
Tous les témoignages convergent : ces personnes s’en sont sorties parce
qu’elles se sont occupées d’elles-mêmes, se sont construites, sans
chercher à détruire leurs bourreaux. La grand-mère de Cerise lui dit :
« si tu te laisses ronger, tu meurs une deuxième fois ».
Vous convoquez l’Afrique et la France dans la scénographie ?
Vauthrin-Ledent :
Le plateau est l’espace mental de Cerise. Les temporalités et les lieux
se superposent. Le public est intégré dans la pièce puisque les
villageois sont dispersés parmi les spectateurs. Le public, sans se
sentir accusé, se posera des questions. Car j’ai voulu dire aussi que
ces gens sont avant tout humains. Ils veulent bien faire mais l’enfer
est pavé de bonnes intentions. Le centre du théâtre est une fusion entre
la place d’un village africain, qui correspond aux souvenirs de Cerise,
et le village du Sud-Ouest de la France où elle est maintenant. On
travaille aussi sur le sable où la petite fille dessine pour graver les
souvenirs, s’inscrire dans le temps. C’est sa vengeance. Dès le début,
elle dessine. Comme les gradins du théâtre sont très pentus, on voit
bien ses dessins.
C’est finalement l’histoire d’une reconstruction ?
Vauthrin-Ledent :
Tout ce qui se passe dans l’espace mental de Cerise appartient au
passé. Elle revisite le passé pour le démêler et passer à autre chose.
Il faut qu’il y ait introspection avant de pouvoir avancer. La guerre,
les guerres restent une énigme pour moi. Ma première mise en scène,
c’était La Rafle du Vél d’Hiv de Maurice Rajsfus en 2006. Je
voulais comprendre le mécanisme d’un tel événement mais je ne pouvais
pas passer par l’émotion, car je ne l’ai pas vécu. Alors je suis passée
par une partition, quelque chose de mécanique et musical.
Catherine Makereel, Agenda
15 novembre 2014
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